Prêt de main d'oeuvre à but non lucratif : Les règles ont changé | [25/01/2012] |
Vous savez, ou vous devriez savoir que seules les sociétés d’intérim ont le droit d’exercer l’activité de prêt de main d’œuvre à but lucratif. Si une entreprise « normale » prête du personnel en faisant du bénéfice sur l’opération, elle commet le délit de « marchandage » sévèrement réprimée par le Code Pénal.
Elles ont néanmoins la possibilité de prêter leur personnel à une autre entreprise, à condition que ce soit à titre gratuit. Cela signifiait jusqu’à présent qu’elle pouvait facturer à l’entreprise bénéficiaire les salaires et charges sociales relatives aux salariés prêtés, les frais professionnels qui lui étaient remboursés et les frais liés à la gestion administrative et comptable des salariés en question. Cette règle a changé, et l’article L8241-1 du Code du Travail est désormais nettement plus restrictif. Tout d’abord, ce texte prévoit que désormais, les frais liés à la gestion administrative et comptable du salarié prêté ne sont plus facturables à l’entreprise bénéficiaire du prêt. Mais en outre, un formalisme strict a été mis en place, qui doit être impérativement respecté avant toute mise à disposition de personnel :
− Une convention doit être signée entre l’entreprise prêteuse et l’entreprise utilisatrice, qui doit notamment prévoir :
o La durée de la mise à disposition ;
o L’identité et la qualification du salarié concerné ;
o Le mode de détermination des salaires, charges sociales et des frais professinnels qui seront refacturés à l’entreprise utilisatrice par l’entreprise prêteuse. − L’accord du salarié doit être recueilli systématiquement, qu’il y ait ou non modification de son contrat de travail, et le salarié qui refuserait une proposition de mise à disposition ne pourra pas être sanctionné du fait de ce refus. − L’accord du salarié devra être matérialisé par un avenant à son contrat de travail, qui devra mentionner :
o La durée de sa mise à disposition ;
o Le travail confié dans l’entreprise utilisatrice ;
o Les horaires et le lieu d’exécution du travail ;
o Les caractéristiques particulières du poste de travail ;
o Et, en cas de modification d’un élément essentiel du contrat de travail, une période probatoire au cours de laquelle chacune des parties pourra mettre fin à la mise à disposition.
− La mise en œuvre de la convention ne pourra intervenir qu’après l’organisation de procédures de consultation des institutions représentatives du personnel, tant du côté de l’entreprise prêteuse que de l’entreprise utilisatrice.
o Pour l’entreprise prêteuse : Consultation du Comité d’Entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel. A l’occasion de cette consultation, le Comité d’Entreprise devra être informé des différentes conventions déjà signées. Eventuellement, le CHSCT devra également être informé, si le poste occupé par le salarié prêté figure sur la liste de deux présentant des risques particuliers au sens de l’article L4154-2 du Code du Travail ;
o Pour l’entreprise utilisatrice : Information du Comité d’Enreprise et du CHSCT, ou, à défaut, des délégués du personnel préalablement à l’accueil du salarié mis à disposition. Enfin, la loi prévoit qu’à l’issue de la mise à disposition, le salarié prêté doit retrouver son poste de travail, ce qui implique que l’entreprise prêteuse doit laisser son poste disponible durant toute la mise à disposition, afin qu’il puisse le retrouver à l’issue de sa mission.
Le non respect de ces dispositions sera lourdement sanctionné :
− 2 ans d’emprisonnement et 30 000 € d’amende pour les personnes physiques ;
− 150 000 € d’amende pour les personnes morales, pouvant être assortie de peines complémentaires, telles que :
o Dissolution de la personne morale ; o Interdiction d’exercer des activités professionnelles ou sociales ;
o Placement sous surveillance judiciaire pour 5 ans ou plus ; o Fermeture temporaire ou définitive des établissements ayant servi à commettre les faits incriminés ;
o Interdiction de faire appel public à l’épargne ;
o Interdiction pour 5 ans d’émettre des chèques autres que ceux qui permettent le retrait de fonds par le tireur auprès du tiré ;
o Affichage ou diffusion de la décision prononcée. − En outre, le salarié détaché sans son accord pourrait régulièrement prendre acte de la rupture de son contrat de travail, et saisir le Conseil de Prud’hommes, si bien que son employeur se verrait condamné par celui ci à toutes les conséquences d’un licenciement sans cause réelle ni sérieuse. Par ailleurs, l’absence de consultation des institutions représentatives du personnel pourrait constituer un délit d’entrave.